Nous l’avons vu précédemment, l’accompagnement à la grossesse, se fait avant tout dans une dimension médicale qui ne laisse guère de place à un accompagnement personnalisé qui tiendrait compte des attentes des futurs parents, de leurs angoisses, de leurs peurs, de leurs joies, etc. L’accompagnement médical mis en place en France a permis ces trente dernières années de diminuer considérablement la mortalité fœtale et maternelle.
Pourtant, on observe l’essor de pratiques pro-physiologiques en faveur d’un accompagnement qui serait plus personnalisé et plus « naturel ». Dans bon nombre de pays développés, les futures mamans n’hésitent plus à donner naissance chez elle, dans leur chambre, ou dans leur salon, au milieu de leurs enfants aînés et mari. Une façon, de se réapproprier la grossesse et l’accouchement?
Pour beaucoup de professionnels de la naissance, l’espace réservé à l’accompagnement périnatal et à l’accès à la parentalité, se réduit de plus en plus, tant les prises en charge impliquent des procédures techniques longues, de contrôles et de traçabilité dans une société où le tout sécuritaire est incontournable. Alors même, qu’il serait plus à propos d’accompagner l’arrivée d’un bébé dans une famille…
Quels impacts sur les jeunes couples?
Désormais, l’accompagnement médical et l’accompagnement post-natal confèrent une toute autre dimension : une dimension quelque peu infantilisante. Les couples, s’en remettent aveuglement au corps médical et aux professionnels qui les encadrent, et de ce fait, n’accèdent pas à l’autonomie constitutive de l’accès à la parentalité…
J’ai rencontré bon nombre de patientes qui déploraient un accompagnement médical trop invasif. Bien souvent, elles en mesuraient l’impact négatif au moment du post-partum. Il s’agissait bien souvent de primipares, qui confrontées aux bons conseils souvent contradictoires des professionnels de la périnatalité, se retrouvaient perdues, dans l’incapacité de faire un choix, que ce soit pour la poursuite ou non de l’allaitement ou sur des gestes de puériculture notamment au moment du bain avec leur bébé. C’est comme-ci, ces mamans, ces jeunes couples, flanqués de part et d’autre de conseils avisés, se retrouvaient « phagocytés » et donc dépourvus de leur bon sens : « s’il y a autant de choses à apprendre, c’est que je ne sais pas grand chose et en m’en remettant au professionnel, il m’est douloureux de constater que je ne suis pas le parent idéal que j’espérais être ». En découle, une culpabilité massive. Ajouté à cela, l’entourage, souvent maladroit, y va aussi de ses commentaires en tout genre.
Si je devais donner un conseil à ses jeunes ou futures parents, ce serait le suivant : Ecoutez tous les conseils qu’on vous donnera, à la condition de pouvoir vous en détacher, car vous seuls êtes les parents. Ecoutez-vous! C’est une façon aussi de se responsabiliser vis-à-vis de son enfant et donc une façon d’investir son rôle de parent. Il n’est pas question ici de minimiser l’importance du discours avisé des professionnels qui, rappelons-le, permet aussi d’assurer un lien dans la continuité des soins faits au bébé, mais davantage de replacer le parent au cœur de cet apprentissage.
Je pense qu’il appartient à chacun d’investir sa grossesse et d’en dire ce qu’il veut. Les angoisses et les peurs sont autant d’éléments à prendre en considération, pendant et après la grossesse, que l’aspect médical. Je ne cherche pas à discréditer le médical, bien au contraire. Mais si nous œuvrons vers une massivité du médical au détriment d’un accompagnement singulier et adapté à chacun, nous risquons de passer à côté de quelque chose d’essentiel.
L’accompagnement médical permet d’assurer la continuité vitale, tandis que l’accompagnement humain permet un accès vers la compréhension et l’écoute et assure une continuité psychique. L’un pourrait-il aller sans l’autre?